Introduction
Les kata, qui sont aussi appelés formes, sont des ensembles de vingt à soixante techniques enchaînées qui représentent le combat contre plusieurs adversaires.
Ils ont été créés dans le passé par des maîtres et des génies pour transmettre leurs idées et leur compréhension aux générations futures. Les kata comportent des cristaux de connaissance qui sont transmis par ordre descendant de senior à junior. Même si quelqu'un fait des erreurs en transmettant un kata, il en reste toujours quelque chose de la personne qui l'a créé.
Au début du Shotokan, tout le monde demandait à Maître Funakoshi combien de kata il connaissait, quel était le prochain et ainsi de suite. J'ai vécu la même chose quand j'ai commencé à enseigner en dehors du Japon. Beaucoup de gens venaient juste pour mémoriser l'ordre des kata. Ils m'ont demandé combien de kata je connaissais, et m'ont dit qu'ils connaissaient quelqu'un qui en savait 100. La même chose est arrivée à Maître Funakoshi quand il est allé à Tokyo et qu'il eut à dire qu'il en connaissait 60, 80 ou je ne sais combien exactement. Peut-être connaissait-il effectivement l'ordre de ces différentes formes, mais il savait aussi que l'objectif de la pratique des kata n'était pas de mémoriser l'ordre des formes ou de faire une collection de plusieurs ordres et variations. Il savait aussi que tous les experts, les maîtres d'Okinawa avant cette époque, ne connaissaient pour leur part qu'un petit nombre de kata. Et ils s'entraînèrent avec ce petit nombre toute leur vie durant. Par conséquent, la plupart d'entre eux n'en connaissaient seulement qu'un ou deux. Peut-être Maître Funakoshi était-il une exception. Peut-être en connaissait-il dix, voire moins. Mais avant de quitter les îles d'Okinawa, il avait rendu visite à ses amis et à beaucoup d'experts et rassemblé plusieurs kata, juste pour les présenter aux habitants de Tokyo quand il y était allé en 1922.
Quand il établit le Shotokan après plusieurs années, il dût être honnête avec ses élèves et dit alors que mémoriser l'ordre des kata n'était pas la vraie pratique des kata. C'est pourquoi, si vous ouvrez Karate-Do Kyohan de Maître Funakoshi, il présente comme une autocritique le fait d'avoir introduit beaucoup de kata différents à Tokyo. Certains de mes seniors sont extrêmement heureux de cumuler plusieurs kata différents et sont persuadés que c'est là la vraie pratique des kata. J'ai vu cela plusieurs fois.
Le problème est que, si vous connaissez 40 ou 50 kata, et même si vous pratiquez chacun d'eux seulement 2000 fois, vous avez toujours 100 000 kata à faire. Un kata 2000 fois ne permet pas de maîtriser quoi que ce soit. C'est une mode que retenir beaucoup de kata mais Maître Funakoshi pensait que ce n'était pas la bonne voie pour la pratique du karaté.
Aussi je garde ses mots dans Karate-Do Kyohan, parce que j'ai eu la même expérience quand j'ai quitté le Japon. Maître Funakoshi disait que même nos 18 kata, cela était peut-être de trop. Si vous retenez l'ordre des formes et si vous en pratiquez un ou deux en tant que votre kata favori, c'est la bonne voie. Si vous pratiquez un kata de cinq à dix mille fois, vous commencerez seulement à le comprendre. Effectivement, cela m'a pris pas mal de temps pour comprendre les formes de Tekki. Je ne peux pas dire si cinq ou dix mille fois suffisent, mais seulement qu'il est insuffisant d'en faire moins.
Les kata étaient à l'origine la seule manière de pratiquer le karaté. Plus tard nous les avons divisés en techniques de base pour améliorer chaque posture, chaque mouvement de hanche, chaque blocage et attaque, ou pour apprendre comment frapper avec une jambe d'appui forte et ainsi de suite. Puis nous avons voulu pratiquer les kata avec des partenaires pour se préparer au combat réel, ainsi nous avons inventé les kumite. Mais toutes nos bases, tous nos kumite, tout vient des kata. Avec un kata on peut s'entraîner ensemble entre amis et on peut se pousser au-delà de ses propres limites. On peut également pratiquer des kata pendant plusieurs années, même si, parfois, on n'a pas envie de s'entraîner à quoi que se soit. Si vous mémorisez l'ordre d'un kata et si vous vous habituez à lui, si vous l'aimez, vous pouvez continuellement vous faire face et vous polir par la pratique des kata. Au-delà d'un certain âge, je suis sûr que les plus anciennes ceintures noires se rendent compte que sans la pratique des kata, ils ne pourraient plus continuer à pratiquer. De mon point de vue, il y a si longtemps que les kata existent dans le karaté en tant qu'art martial qu'on ne devrait pas inventer. Certaines exagérations de mouvements, extravagantes ou à la mode ne sont pas réalistes. Dans les années 40 ou 50, dans les dojo universitaires au Japon, la plupart des instructeurs avaient tout juste 20 ans. Même s'ils étaient valables en kumite, leur maturité en kata ne l'était pas. Il y eut aussi quelques incompréhensions et une mentalité théâtrale les conduisit à exagérer certains mouvements des kata. De nos jours il y a des compétitions de kata où l'appréciation n'est pas d'un bon niveau et où les mouvements sont souvent fait plus lentement ou plus rapidement pour impressionner les juges ou l'assistance. Par exemple, les premiers mouvements de Heian yodan sont devenus de plus en plus lents. Quand j'ai appris ce kata, ces mouvements étaient à peine plus lents que ceux de Heian nidan.
Nous devons nous rappeler clairement que chaque mouvement doit avant tout être réaliste. Nous ne pouvons pas apporter de modifications ou exagérer certains mouvements des kata pour impressionner le grand public. Les instructeurs doivent s'assurer que chaque mouvement du kata se conforme au livre de Maître Funakoshi et est exécuté exactement comme il l'indique. Mais vous serez surpris, il y a beaucoup de manques dans ces kata. Cependant, nous les pratiquons comme Maître Funakoshi l'a écrit dans son livre, avec les bonnes choses et les parties incomplètes, plusieurs milliers de fois jusqu'à ce que nous les comprenions vraiment bien. Ces notes utilisent Karate-Do Kyohan comme référence. Le nombre des mouvements ici correspondent au nombre de mouvement dans le livre du maître.
Le kata est un combat réaliste formalisé dans ses lignes exactes, aussi nous pouvons pratiquer chaque mouvement encore et encore. Nous devrions avoir des yeux stricts et forts pour nous regarder. Quel genre de posture sommes-nous en train de faire ? Dans quelle position est le pied arrière ? Si un adversaire balaye notre jambe avant, comment continuons-nous à combattre ? Et quand nous bloquons, est-ce réaliste devant un adversaire qui attaque avec des techniques particulières ? Quand nous exécutons une technique, est-ce la plus forte, le meilleur kime (énergie focalisée) que nous pouvons faire ? Même quand nous faisons le kata à plusieurs reprises, toujours dans les parties profondes de notre esprit, nous devons imaginer des situations de combat réalistes. Par exemple, combien de fois ai-je dit à quelqu'un de ne pas le faire, certains attaquent toujours avec les jambes ouvertes, l'estomac exposé, le cou exposé, le nez exposé, tous les points vitaux exposés.
Ainsi nous adoptons cette sorte de programme éducatif où nous devons toujours être conscients de ne pas exposer notre ligne centrale tout en restant sur la ligne. Le point le plus important à souligner est comment développer un esprit droit et fort avec les yeux. Regarder directement votre adversaire, pas de regard fuyant ou détourné. Ceci aidera à rendre l'esprit droit, fort et alerte. C'est pourquoi nous soulignons les yeux comme étant d'importance première. Quand nous trouvons les parties difficiles ou compliquées d'un kata, nous devons les répéter de nombreuses fois. Certaines parties du kata sont très faciles. D'autres sont très difficiles. Si certaines parties du kata vous rendent mal à l'aise, sélectionnez-les pour un entraînement spécial et répétez-les davantage par rapport aux parties faciles.
Nous nous observons toujours nous-mêmes pour nous rendre meilleurs. C'est le point important dans la pratique des kata. Le début du kata est le moment le plus important. Quand vous vous tenez en shizentai ou une autre forme de yoi, votre esprit doit être dans toutes les directions. En d'autres termes, vous n'avez aucune idée ou direction particulière, mais votre esprit est alerte. Puis, le moment ou vous commencez, votre sensation forte va au premier adversaire et vos yeux et hanches commencent à se déplacer dans cette direction. La première technique vient naturellement de ce premier mouvement. Et se rappeler que nous nous exerçons toujours pour une vraie situation ; j'espère que tous les seniors peuvent faire des kata pas simplement dans le dojo, mais n'importe où, où il y a de la place, sur un endroit rocailleux, boueux ou sur la plage. Naturellement, nous ne pouvons pas enseigner à des débutants dans un endroit rocailleux. Cette pratique est le projet personnel des seniors.
Quand nous répétons un kata, ce n'est pas simplement pour mémoriser l'ordre de la forme. Nous devons digérer chaque mouvement, et ceci prend au moins plusieurs milliers de fois. D'abord nous apprenons par cœur l'ordre du kata. Si vous le répétez 1000 fois, votre kata deviendra bien meilleur qu'avant. Si vous le faites 2000 fois, votre kata devient plus puissant, en même temps vous apprenez ce que nous faisons avec chaque technique. Si vous l'avez fait 3000 fois, votre kata semble meilleur avec des blocages, des attaques et des techniques de jambes efficaces et réalistes. Alors nous commençons à apprendre non seulement des blocages et des attaques réalistes, mais le rythme et le tempo, la lenteur, la rapidité, la dureté et la douceur et où nous contractons et défendons notre corps. Après 5000 fois, votre kata commence à devenir votre propre kata. Mais ce n'est pas tout, nous apprenons aussi comment respirer idéalement sans explication des instructeurs, chacun de nous découvrant pour nous-mêmes comment respirer correctement. Nous apprenons à faire le kiai -chaque kata en a habituellement deux- avec la respiration la plus forte du kata. Et après quelques années, nous commençons à sentir ce que les maîtres ou les experts qui ont inventé le kata sentaient. Nous commençons à sentir ce que ces génies, qui ont pratiqué pendant de très nombreuses années, essayèrent de nous transmettre. Et bien que nous suivions ce qu'ils nous disent à travers la pratique du kata, nous trouvons notre propre rythme, nos propres sensations, nos propres interprétations. Finalement, nous atteignons le niveau où nous pouvons exprimer notre meilleure énergie en force et en finesse dans le kata. Même si chacun de nous fait le même kata, sans rien changer, sans mouvement particulier, nous avons toujours notre propre kata. Je pense que c'est ainsi que nous devons pratiquer nos kata.
La Pratique des Katas
Il y a deux opinions données dans Karaté-Do Kyohan au sujet des katas qui sont les meilleurs et comment vous devriez les pratiquer.
Une opinion a été exprimée par mon senior, Maître Shigeru Egami qui sentait que les kata Taikyoku étaient la forme idéale et devraient être les plus pratiqués. L'autre opinion est celle exprimée par Maître Gichin Funakoshi. Il a demandé que nous choisissons un kata qui est idéal pour nous et que nous étudions et pratiquions ce kata beaucoup de fois. Dans un premier temps, c'est difficile sans connaitre chaque kata individuellement. En apprenant chaque kata d'une manière basique, le kata idéal ou favori serait finalement trouvé.
Dans le Shotokan, notre première année et demi d'entraînement est habituellement consacrée à l'étude des kata Heian, puis plus tard, à l'étude de Bassai et Kwanku au niveau de la ceinture marron.
Après le shodan, nous pratiquons un kata différent chaque mois, pour nous familiariser avec les dix-neuf katas. Dans cette voie, le pratiquant saura tous les katas et devrait trouver lequel est le meilleur pour lui.
Comme nous pratiquons, nous devons être prudents de garder la forme originale et ne pas faire de changements dans les katas. Moi-même, j'ai quelques questions au sujet de quelques parties, mais je n'ai pas eu la chance de pouvoir en demander plus à Maître Funakoshi, donc nous devons garder exactement la forme comme le Maître l'a écrit dans le livre. Je dis juste aux gens, ne faites pas de changements d'après votre propre niveau maintenant. Autrement la prochaine génération ne saura pas les mouvements originaux.
Pour pratiquer les kata, nous devons être toujours stricts avec nous-mêmes. Nous devons maintenir précisément les katas traditionnels. Nous n'avons aucun droit à notre niveau, de changer, de modifier ou d'interpréter avec notre propre point de vue personnel. Nous devons toujours garder un esprit humble, parce que quelqu'un s'est entraîné beaucoup d'années pour essayer de transmettre des points importants dans les kata. Nous devons transmettre ces points à travers les kata.
Quand nous pratiquons un kata beaucoup de fois, nous pouvons sentir la personnalité de ceux qui l'ont pratiqué il y a beaucoup d'années, surtout la personne originale qui l'a fait. Bien que nous essayions de garder les mêmes kata, certaines parties changent au cours des années. Encore, nous pouvons sentir le maître original.
Tsutomu Ohshima